L'Analyse'

Le texte qui suit fut rédigé juste avant mon retour, je l'ai en fait commencé dans l'Aéroport de Lima le 4 octobre et terminé dans le train qui faisait route pour Lyon le 6 du même moi. Il fut recopié tel quel, sans aucune modification, quasi identique à l'original qui figurait sur mon agenda. Il joue le rôle d'analyse rapide de mon voyage sur le continent et en forme aussi une interprétation brutale.

les andes a dedo: l'analyse

Nous sommes lundi 4 octobre, il est 13h38 au chronomètre, demain j’aurais quitté le sol péruvien et m’apprêterai à quitter le continent américain. Peut-on parler de départ prématuré ? Durant tout mon voyage, rien ne s’est passé comme je l’avais prévu, tout n’a été qu’incertitude, estimation, extrapolation, imagination, et malgré toute cette imagination débordante, jamais je n’ai pu prévoir le futur de mon périple. On peut donc dire que le départ au 5/10 n’est pas prématuré, il a lieu le 5 et c’est tout, c’est comme ça, pas d’autres commentaires possibles. Si ! un commentaire peut-être : le regret de ne pas voir Ariane décollée alors que j’y étais presque préparé ? Mais pourquoi parler de regret, une phrase dit : ²on sait ce que l’on perd, mais on ne sait pas ce que l’on gagne², j’ai perdu Ariane soit, mais je préfère me remémorer ce que j’ai gagné durant ces 11 mois. Car l’impression est étrange, j’ai l’impression d’avoir vécu le meilleur voyage possible, comme si je n’avais pas pu gagner mieux. Chaque évènement qui s’est produit durant le périple a donné suite à d’autres évènements, mais si ces premiers n’avaient pas eu lieu (ou avaient été autre), comment auraient été les seconds ? Meilleurs, pires ? Meilleurs ! non, je ne peux pas le croire, tout s’est trop bien passé, n’importe quel petit fait a engendré les meilleurs des conséquences. Aurais-je rencontré le brésilien s’il n’avait pas fait trop chaud ? Aurais-je rencontré Cristian si je n’avais pas acheté des bananes ? Aurais-je rencontré Patrice si je n’avais pas décidé de me baigner ? Aurais-je dégueulé si je n’avais pas rencontré Francisco ? Aurais-je passé Noël à distribuer de la soupe chaude si je n’avais pas dégueulé ? Aurais-je rencontré Antonio si je ne m’étais pas éternisé à Puerto Montt ? Aurais-je vécu Chile Chico si je n’avais pas rencontré Antonio ? Juan Carlos m’aurait-il pris en stop si je n’avais pas poiroté 12 heures à Fitz Roy ? Aurais-je rencontré Yann si le Magellan n’avait pas été aussi houleux ? Aurais-je dormi à l’abri chez Carlos si je n’avais pas rencontré Yann ? Aurais-je passé 3 jours à Tres Lagos si ce couple de B.A avait persisté à me prendre ? Me serais-je retrouvé face à un loup de mer si je n’avais pas dormi dans le conduit d’égout de Puerto Madryn ? Aurais-je passé ce superbe week-end à Valcheta si j’avais dormi chez les pompiers de San Antonio ? Serais-je retourné au Chili si j’avais appelé la frangine plus tôt ? Aurais-je connu Caviahue si j’étais resté le week-end à Bariloche ? Aurais-je vu Manu Chau s’il n’avait pas neigé ? Aurais-je passé cette superbe journée à Cafayate si j’avais dormi près de la route ? Serais-je monté dans un side-car si je n’avais jamais rencontré Gérald ? Aurais-je revu Antonio si ça n’avait pas été la pleine Lune ? Aurais-je rencontré Juan si ça avait été la pleine Lune ? Aurais-je rencontré Marcella si je n’avais pas connu Juan ? Aurais-je mieux connu la Bolivie si je n’étais pas allé à Iguazu ? Aurais-je mieux connu la Bolivie si j’avais reçu le paquet à temps ? Aurais-je rencontré Clara si j’avais bien vécu la Bolivie ? Aurais-je boycotté l’Équateur si le Dollar n’était pas devenu maître ? Aurais-je passé 3 sublimes jours à Jaen si je n’avais pas boycotté l’Équateur ? Me serais-je fait piquer l’appareil si je n’avais passé qu’un jour à Jaen ? Aurais-je vu Arian si je ne m’étais pas fait piquer l’appareil ? … Beaucoup de questions, aucune réponse, c’est ça qui m’a avant tout plu durant ce voyage, le fait que le doute l’emporte sur le destin, que le hasard fasse le choix et qu’il m’offre le meilleur ; car quoi qu’il en soit, ce ne peut être que le meilleur vu que je ne sais pas ce que j’aurais gagné si ce hasard m’avait offert autre chose.

les andes a dedo: autoportrait

Mais si le hasard est seul maître à bord, je n’ai aucune responsabilité dans la réussite de ce voyage ? Disons que ma responsabilité est limitée, elle n’est présente qu’à la source même d’avoir pris la décision de vivre comme un vagabond, en utilisant le moins d’argent possible, en me déplaçant en stop, en dormant à la belle étoile. Tout le reste de mon histoire découle de ces décisions premières ; je prends la décision dès le départ, et ensuite l’histoire s’écrit d’elle-même, je n’ai plus à intervenir. Et c’est pour cette raison que mon histoire est différente, et donc beaucoup plus belle que certains autres récits qui se contente de cloner un récit passé. Car dès maintenant, et ce grâce au recul, je peux prendre conscience que ce que j’ai vécu est beaucoup plus riche que ce qu’ont pu vivre d’autres personnes (made in occident) croisé durant mon histoire. Je connais très peu leu récit et je me permets de parler de différence, car je savais une chose, c’est qu’ils n’avaient pas pris la décision sans moyen, ils se contentaient de calquer leur itinéraire sur celui d’un guide, ils ne côtoyaient pas le peuple, car voyageaient à plusieurs, ne traversaient pas les petits coins magiques, car préféraient les sites touristiques, dépensaient beaucoup d’argent pour ne pas oublier leur petit confort. Fort heureusement, mon aventure fut tout autre, j’ai beau ne pas avoir vu Torres Del Paine, Cuscu, Laguna Verde ; je préfère mieux parler de Chile Chico, Valcheta, Chiquian, Caviahue, ce fut simple, authentique, et beaucoup plus unique que les sites cités plus hauts.Me voilà donc Libre, et comme pour confirmer cette soudaine illumination, le coucher de Soleil crache ces derniers rayons sur les eaux turquoise du lac Panguipulli, générant des coloris sensationnels et dévoilant ainsi une oeuvre picturale digne d'être contemplée avec émerveillement. Car c'est ça, aussi, la Liberté: celui de pouvoir perpétuellement s'émerveiller. C'est tranquille, le soir venu, une fois les fruits gobés, que je m'allonge sur un énorme rocher bordant le lac afin de passer ma nuit. Le ciel est brusquement redevenu menaçant, il peut pleuvoir, mais peut importe, car aujourd'hui, vraiment, plus rien n'a d'importance."​

Continuons notre analyse avec le tableau qui suit, son élaboration fut très intéressante et les informations qu’il fournit sont très pertinentes!

les andes a dedo: le Bilan

Il est clair que les chiffres mentionnés ne sont pas certifiés. Comment savoir si j’ai réellement côtoyé 917 personnes, ce sont des chiffres basés par rapport au récit que j’écrivais chaque jour, ils sont donc à prendre au conditionnel, même si je pense qu’il se rapproche de la réalité. Pour le nombre de rencontres, il est clair que je n’ai pas mentionné les flics, les bourrés, les cloches, les putes, les gamins ou toute autre rencontre furtive, sinon, il faudrait multiplier le chiffre par deux sans problème.

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Premier constat, et il est d’importance, mon voyage a duré 338 jours et je n’ai eu que 30 jours de pluie, ce qui est plus que parfait, et ce à tous les points de vue. Surtout pour la photo, où depuis l’Écosse, je ne prends pas d’image s’il n’y a pas de lumière solaire. Parmi ces jours de pluie, je regrette essentiellement ceux qui ont eu lieu sur la caratera Australe, un endroit magnifique.

Deuxième constat, durant ces 338 jours, j’ai parcouru 34360 kilomètres (je ne compte pas les balades en marche à pied, environ 6000 kilomètres), ce qui représente 100 kilomètres par jours. Cette moyenne, je l’avais obtenue lors de mon séjour en Écosse, elle se retrouve ici pour une durée beaucoup plus longue.

Première victoire : sur le nombre de journées de déplacement (338-82=256 jours), je me suis déplacé 459 fois (pour des parcours qui vont de 3 à 800 kilomètres), sur ces 459 déplacements, 381 ont été faits en stop (action de dresser le pouce sur le bord d’une route), soit quasiment 83% de l’ensemble des déplacements. Maintenant, on peut distinguer l’ensemble des déplacements où je n’ai rien payé : sur les 59 déplacements en bus (ou taxi), 17 ne m’ont pas été facturés ; et sur les 381 autostopés, 6 me demanderont de l’argent. Ne prenons pas en compte les trains et les ferries, sur les 440 déplacements par voie terrestre, je débourserai pour 48 d’entre eux, soit un peu moins de 11%. Je peux donc presque confirmer que j’ai voyagé à 90% gratis.

Deuxième victoire très appréciable : l’expérience. Il m’a fallu deux mois avant d’être réellement opérationnel (je pense même avoir commencé à palper la Liberté au bout d’un mois et demi). Les trois premières semaines péruviennes n’ont rien à voir avec le reste de mon séjour. Par exemple, sur les 27 nuits passées à l’hôtel, 17 se trouvent dans cette période. Je me suis mis à stopper au Chili, mais ici, je n’avais pas encore opté pour le système D qui est venu avec l’Argentine : durant ces 71 premiers jours, je dépense 40% de mon budget. Il suffit d’ailleurs de comparer Peru 1 et Peru 2 pour saisir ce qu’est l’expérience : des dépenses très proches pour une durée double et une distance double. Je peux donc affirmer qu’il est possible de voyager avec 3$ par jours, quel que soit le pays, quelles que soient les conditions.

Autres constats : un marrant pour commencer. Je me suis lavé 28 fois, ce qui représente 1 fois tous les douze jours. Là aussi, mesurer les propos, car j’ai le souvenir, à trois reprises, de ne pas m’être lavé pendant plus d’un mois (le record étant de 46 jours), je ne m’en porte pas mieux pour autant.

les andes a dedo: autoportrait

En ce qui concerne mes nuits, quasiment une sur deux s’est passée dehors, dont quelques-unes au-dessous de zéro. Cependant, j’ai quant même été accueilli 70 fois, que ce soit par des institutions ou des particuliers ; accueilli aussi pour me nourrir, et ce à hauteur de 140 repas. Mais bon, le constat que je souhaite avant tout faire, c’est 1480$ (tous frais compris sur le territoire et notamment les frais d’envoie de pellicules), 1480$ en 338 jours (avec les 2 premiers mois très dépensiers), ceci confirme ma première thèse: inutile d’avoir beaucoup d’argent pour voyager.

Venons-en à l’outil du voyageur, le sac à dos, parlons de lui et de son contenu. Le sac en lui-même, acheté à Carrefour, pour la modique somme de 150 francs, sans marque, sans artifice, d’une contenance de 35 litres. Il pètera une sangle au bout de 2 mois (à Chile Chico), après ça, il se maintiendra, quelques fermetures qui rendent l’âme, faut dire aussi que je ne le ménageais pas, il fut un très bon oreiller et très bon tabouret. Son contenu : Les fringues. Un jeans, un sarwell, trois T shirt, un sweet gris, trois slips, trois paires de chaussettes, une laine polaire noire, un gilet, un blouson en jeans (là je suis à poil !) Le premier à partir à la poubelle fut le sarwell, complètement déchiré dû à l’usure et au frottement. Le jeans devient short pour un moment, il finira aussi à la poubelle. Le sweet gris, même si je ne m’en servais uniquement d’écharpe, il m’était bien utile sur les hauteurs : je l’oublierai sur la banquette arrière d’une voiture. Le T shirt gris fut le premier à virer, au Paraguay, complètement déchiré ; le vert suivra de très loin vu qu’il disparaîtra au Pérou ; seul le reebok reste en grand vainqueur, comme quoi les marque… Les chaussettes disparaîtront les unes après les autres, j’ai cependant le souvenir que deux paires ont fini par me torcher le cul. Sur les slips, un seul survivant ; là aussi, je crois que les deux autres ont joué le rôle de PQ. Les pompes, elles avaient déjà faibli en Amérique Centrale, cependant, elle tenait le coup : elles finiront dans les pieds d’une cloche paraguayenne. La laine polaire demeure un peu le seul maître à bord, ce n’est que très récemment que la fermeture du col a pété les plombs. Après le maître, le grand perdant : le gilet Chevignon. Complètement déchiqueté, complètement troué malgré les rafistolages successifs. Il faut dire qu’il était sur moi 24h sur 24 et tous les jours, et que je l’ai, à ces débuts, très mal chargé. Ceci dit, on ne peut pas demander l’impossible. Tout éclaté, tel fut aussi le blouson en jeans que j’ai préservé jusqu’à la fin afin de transporter le matériel photo dans ses poches intérieures : très pratique.

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Me voilà donc à poil, non, de par mes rencontres, j’en tire une nouvelle garde-robe. Premier acte, à l’église de Zapala, la frangine me donne un nouveau jeans et un blouson imperméable afin de masquer le blouson en jeans (déjà sans manche). Ce pantalon rendra très vite l’âme sur les hauteurs de la province de Salta ; quant à l’imper, je le maintiendrai jusqu’à Jaen. Deuxième acte, à Ledesma où l’ami Carlos me file un bas de survêtement, très pratique, très souple, il tiendra le coup, mais une violente chiasse me poussera à m’en débarrasser aux portes de Cusco. Troisième acte : Foz De Iguazu ; n’ayant plus de pompe, je m’achète une paire de sandalettes, appréciable dans le Chaco argentin, ce sera un peu plus galère sur la Cordillère, leurs présences seront justifiées dans la forêt péruvienne. Légèrement déchirées sur les côtés, elles rentreront avec moi en France. Quatrième acte : à Villazon. Marcello me file un velours, il remplacera le jeans et tiendra le coup. J’en ferai un short à mon arrivée à la forêt et m’en débarrasserai à Puccalpa. En prime, il me file une paire de chaussettes que je ne mettrai qu’à La Paz, une fois les pieds propres ! leur vie sera de courte durée. Quant à la chemise, elle me permettra d’acquérir un billet de bus pour Huanuco. Cinquième et dernier acte : Jaen. Jose me file un T shirt, une chemise et un jeans, on peut le dire, après ça j’étais comme neuf.

Parlons du lit maintenant. Après avoir passé 5 nuits, comme ça, au nord du Chili, avec mon blouson (encore en état) comme unique édredon, je m’achète à Calama une couverture en laine qui me protègera du froid durant tout le Chili et qui se transformera en sommier après qu’Antonio m’ait filé son sac de couchage. Très pratique pour affronter le froid Patagonique, il prendra un sacré coup lors de la nuit chasse d’après Tres Lagos, il ne sera donc plus tout à fait hermétique, mais il me servira de pieux jusqu’à cette nuit passée. Ceci dit, le lit (et surtout la couverture) est la chose la plus lourde de mon sac, mais ça reste indispensable.

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Autre ustensile textile, une petite serviette éponge, initialement prévue pour protéger l’appareil, je m’en servirai quand même pour m’essuyer. Elle a souvent pué, mais elle est comme neuve. Sinon, mentionnons quand même la boussole –très peu servi- le dico qui est tout éclaté, la brosse à dents, toujours utile et le couteau suisse indispensable (surtout pour le cure-dent !). Mais venons-en au plus important : l’appareil.

Le Canon F1, on ne peut pas dire que je l’ai traité avec douceur ; il s’est plusieurs fois cassé la gueule, les optiques (un 24 et un 50 mm) ont été toutes deux rafistolées au couteau suisse. Il a pris la poussière, le sable, l’humidité, mais il a toujours obturé. À des moments, de graves séquelles se sont fait sentir, mais ça repartait toujours. Invincible, increvable, il finira sur l’épaule du terroriste. Ceci dit, une chose est claire, si les photos sont belles, j’opte définitivement pour ce boîtier, j’ai acquis une trop grande liberté avec. Réponse d’ici quelques jours.

Voilà donc l’inventaire, et à tous ces objets qui furent mon quotidien durant 11 mois, merci et ceci confirme ma deuxième thèse : inutile d’avoir un sac rempli de 50 kilos de chose pour pouvoir voyager.

Et la santé, qu’en était-il ? Je peux presque affirmer que j’ai pris du poids, je l’estime à 75 kilos, soit 5 kilos de plus que la normale. Mais durant le voyage, qu’en était-il ? J’ai souvent eu la chiasse, peut-être due à trop de fruits (je pense avoir fait le parallèle entre beaucoup de bananes et merde liquide) et une flotte parfois sale. J’ai eu les lèvres éclatées pendant près de deux mois ; j’ai eu très mal au pied droit (là aussi pendant deux mois) ; Osorno et son ombre, j’ai gerbé une fois, mais je suis à jamais dégoûté du lait ; les épaules et le dos furent épuisés par ces longues marches chargées. Mais ceux ne sont que de légers maux. En revanche, mes talons, complètement découpés, gelés, à ne plus pouvoir les poser par terre, à ne plus pouvoir dormir sur le dos, un mal atroce qui durera près de deux mois. Même si les traces ont entièrement disparu, ce mal-là fut mon plus gros mal.

Toutes ces séquelles sues citées ont disparu d’elles même. Dans le sac, j’avais une petite pharmacie, mais je ne m’en suis jamais servi, tout est parti à la poubelle en Argentine. Ceci confirme ma troisième thèse : inutile de se surcharger en médicaments, le corps est apte à se soigner tout seul.


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Il est 17h30, le soleil descend doucement sous l’horizon, on peut entendre à des moments des avions décoller, demain ce sera mon tour, retour en France, retour après 11 mois. Là aussi, tout comme le voyage, je ne sais absolument pas ce qui va se passer, et surtout dans quel état je vais me retrouver, car on peut le dire, durant ces 11 mois, je suis resté complètement déconnecté. Fort heureusement, il y aura les photos, j’ai hâte de les voir, d’une part pour voir ce qu’elles valent, mais aussi pour revivre cette aventure. Ce qui est clair, c’est qu’il faut que j’exploite tout ça dès mon retour. Mais faisons un premier petit point.

J’ai obturé 4442 images, 2287 couleurs et 2155 noir et blanc ; ce qui représente à peu près 13 photos par jours. Je ne suis finalement pas trop loin du chiffre théorique de 16,4. Sur l’ensemble des couleurs, j’ai estimé à 190 le nombre de photos people et à 286 le nombre de photos de paysage (ce ne sont que des estimations, les photos auront le dernier mot). Le sujet stop comprend 56 images et je figure sur 85 photos. J’attends la qualité. Basons-nous sur 5% de bonne réussite, cela donne 114 belles images. Mais vu les conditions climatiques que j’ai eues, j’estime ce chiffre légèrement supérieur. Disons qu’une sélection de 200 photos me conviendrait très bien. Sur les 2155 photos NB, 778 concerne le rail, ce qui fait 4 photos de rails sur 11 prises : c’est un rapport correct. Sur ces 778, j’en estime 220 d’exploitables (là aussi ce n’est qu’une estimation) soit 1 sur 3. Sachant qu’il faut encore diviser par 2, cela donne 110 photos correctes. Mais bon, pour un tel reportage, il faut avoir une vue d’ensemble. Ceci dit, 150 photos seraient un bon nombre. Réponse dans quelques jours.


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Jeudi 5 octobre, 12h22 au chronomètre, cela fait une demi-heure que l’avion a décollé. Au revoir Pérou, mais pas au revoir Amérique, vu que j’aurais le plaisir de fouler le sol Colombien, terre tant critiquée par ces voisins. Pas de bol, je ne suis pas près d’un hublot, je ne peux admirer le paysage, handicap pas trop important vu que l’avion longe la côte. Il est vrai que j’aurais bien aimé voir d’en haut cette Cordillère que je n’ai pas foulée. Car on peut le dire, du Beaggle jusqu’au Pato, j’ai traversé toute cette chaîne de montagnes, j’en ai aperçu les principaux sommets, j’ai pu y admirer nombreuses de ces merveilles. Mais la Cordillère elle-même est une merveille, massive, imposante, royale, splendide, quasi mystique. Du Nord au Sud, puis du Sud au Nord, elle m’a sans cesse émerveillé, mais j’ai comme l’impression d’avoir atteint l’apothéose avec Huayhuash et Blanca, c’est à dire juste avant Pato. En effet, durant ce périple, plus je connaissais la Cordillère, plus elle était belle, plus elle me paraissait impériale. Aurais-je eu la même sensation si j’avais terminé mon voyage à Ushuaia ? Je ne le pense pas, car même si la Terre de Feu est splendide, c’est vraiment au Pérou que la Cordillère est la plus belle. Des vallées infinies, des canyons majestueux, des falaises impressionnantes. Bref, la montagne au Pérou, c’est magique. Non pas que les autres pays traversés ne proposent pas une telle beauté, j’ai trop le souvenir d’un Chili magnifique (et surtout au Sud), d’une Argentine de splendeur (et ce du Sur au Nord) et d’une Bolivie pleinement belle. À vrai dire, je ne sais pas trop ce qui fait pencher la balance du côté péruvien, mais c’est de son côté qu’elle penche. D’ailleurs, un souvenir me revient : avant de partir en Amérique, j’avais deux idées reçues (idées reçues, car je ne connaissais absolument rien de ce continent) : pour moi, le plus beau pays d’Amérique du Sud était le Pérou et le pays que je voulais impérativement voir, c’était le Chili. L’histoire étant accomplie, je peux affirmer que le Pérou est le plus beau pays d’Amérique du Sud et que le pays que j’ai le plus aimé est le Chili. Bien sûr, il ne faut pas écarter l’Argentine, trop grande, trop diverse, trop riche et bien sûr trop belle. Je l’avais d’ailleurs sous-estimé, vu que j’y suis resté 5 mois (il faut dire que 15000 kilomètres ne se font pas en 15 jours !). Ce qui reste marrant avec l’Argentine, c’est qu’il m’a fallu du recul pour réellement l’adorer. C’est d’ailleurs dans ce pays que je souhaite impérativement retourner, j’y ai trop d’amis. Amis que je dois d’ailleurs remercier, remercier de m’avoir aidé, hébergé, nourri, et aimé. Ces remerciements s’adressent d’ailleurs à tous ceux que j’ai côtoyés, qui m’ont filé du fric, des vêtements, de la nourriture, qui m’ont fait passer de très bons moments. Merci à toutes ces personnes qui m’ont pris en stop sans lesquelles jamais je n’aurais pu vivre cette aventure. Merci à tous d’avoir fait en sorte que l’histoire se passe ainsi et pas autrement, merci d’avoir généré des évènements qui en ont engendré de plus beaux. Merci, merci, merci…

Car le constat est étrange aujourd’hui, je peux presque affirmer que n’importe quelle journée de mon aventure sud-américaine (même celles de Tres Lagos !) vaut mieux que les 5 semaines passées en Amérique centrale. Je remercie donc ce mafieux de Costa Rica de m’avoir tout piqué ; indirectement, grâce à lui, j’ai vécu quelque chose d’inoubliable. Car si le voyage s’était prolongé normalement après San Jose, aurait-il été aussi riche ? Difficile de répondre, mais comme je le disais plus haut, on sait ce que l’on perd, mais on ne sait pas ce que l’on gagne. Or, j’ai gagné le meilleur. Donc encore une fois, merci à tous ceux qui, directement ou indirectement, ont contribué à la beauté et à la richesse de ce voyage, à son bon déroulement, et peut-être à sa consécration. Mais ça, c’est le temps qui le confirmera.


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Vendredi 6 octobre, nuit plutôt bof bof ; je me réveille, comme tout le monde d’ailleurs, deux heures avant l’atterrissage. Petit dej, et j’attends patiemment l’arrivée par une petite chômée, l’avion commence sa descente. À travers le hublot, la douce France et le bassin parisien, plat, éternellement plat. Pour moi qui ai passé onze mois sur la plus longue chaîne de montagnes de la Planète, le choc est plutôt brutal.

Atterrissage, entré dans l’aéroport, je me fous ensuite dehors afin de prendre le bus pour aller à la gare. Et à ce moment-là, une sensation plus qu’étrange, très bizarre ! Arrivé à la station, le départ est annoncé dans trois quarts d’heure. Je file sur la machine m’acheter le billet, mais ça ne fonctionne pas ; je suis obligé de me taper la queue au guichet, et il y a du monde. Une fois le billet en poche, je souhaite retirer du fric, mais là aussi le distributeur ne marche pas (décidément c’est le bordel ici). Je change donc un traveller cheque de 20$, file m’acheter des revues puis patiente sur le quai. J’embarque dans le TGV, le départ a lieu avec un peu de retard. Je feuillette brièvement les magazines, matte le paysage défilé, un ciel partiellement nuageux, un vert végétal quasi unanime, et moi, comme un con, dans ce train. Car il faut s’y faire, maintenant c’est bel et bien terminé, retour au bercail comme dirait Alain. Mais un délire demeure, et si Estelle n’avait pas lu mon mail, ou si elle ne l’avait pas reçu, je vais me retrouver comme un con à la gare, ce serait plutôt frustrant, mais cela fait parti du trip engendré par l’incertitude informatique. Mais bon, d’autres pensées demeurent, celle d’un continent, celle d’une population, celle d’une vie de vagabond, celle d’une montagne, celle de rencontres. Pendant combien de temps la nostalgie va-t-elle m’envahir ? Pendant combien de temps le souvenir va persister ? Combien de temps me faudra-t-il pour me réadapter ? (dans l’aéroport, je parlais espagnol) D’ailleurs, vais-je me réadapter ? Laissons pour un instant ces questions de côté, voyons l’immédiat : je vais revoir tout le monde, la famille, mon Toto, et ça, ça va être top. Cependant, je ne peux m’empêcher d’écrire. Durant 11 mois, j’ai aligné les caractères, j’ai noirci les pages, j’ai narré la formidable aventure qui m’est arrivée et maintenant c’est fini. Il va falloir que je laisse tomber le stylo, car l’histoire s’arrête là, mais continuer à écrire, c’est prolonger un peu plus cette histoire. Donc j’écris, toujours un peu plus, pour prolonger un peu plus. Le paysage défile toujours, dans le wagon, c’est le calme, c’est agréable, l’heure passe, doucement, à vrai dire, vivement que ça se termine, ou plutôt, vivement que j’arrive. De toute façon, c’est pareil, vu que mon arrivée marque la fin définitive. Je n’arrête pas de regarder l’heure, serais-je stressé ? On peut le dire, car mon cœur bat de plus en plus vite. Plus j’avance, plus il palpite : c’est aussi ça le retour. On va vite, mais ça passe doucement, tient ! "Gare de Satolas" vient d’être annoncée. Allé, encore un mot, un seul, le dernier, l’ultime, je sais que c’est dur, mais il faut l’écrire……… FIN

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